Bienvenue sur www.lecreusot.com. Nous sommes le Samedi 7 décembre 2024.      

Les Etablissements Schneider

Economie sociale

L'habitation

Après un historique du Creusot de 1253 à 1912, cet ouvrage (non signé) présente les "bienfaits" apportés par les Schneider à la population du Creusot. Véritable bible du paternalisme, on ne pourra réellement apprécier son contenu qu'en faisant un rapprochement avec le livre de Jean-Baptiste DUMAY : Un fief capitaliste.

Documents et textes d'après
"Les Etablissements Schneider - Economie Sociale"
1912 - Lahure Ed.

Economie Sociale

L'HABITATION

« Sans logement, il n'y a pas de famille; sans famille, il n'y a pas de morale; sans morale, il n'y a pas d'homme ; sans homme, il n'y a pas de patrie. »
Cette maxime de Jules Simon, mettant en relief la profonde influence du foyer domestique dans les grands problèmes sociaux, s'applique d'une manière particulièrement saisissante aux modernes agglomérations industrielles. Pour chercher à résoudre le problème si complexe de l'habitation ouvrière, de nombreuses et fécondes initiatives se sont multipliées un peu partout; toutefois, l'on doit reconnaître, comme cela fut signalé au Congrès International de la Tuberculose en 1905, qu'avec la croyance sincère d'appliquer des méthodes nouvelles, « on a souvent prôné, après les avoir réinventées, des mesures sociales qui fonctionnent en certains endroits depuis de longues années et qui y ont porté leurs fruits (Congrès International de la Tuberculose, Paris, octobre 1905 - Communication de M. le Docteur Briau). »
En effet, dès que l'essor industriel de la première moitié du XIXème siècle provoqua la création de centres ouvriers importants, quelques-unes des nouvelles organisations de production intensive s'aperçurent des répercussions du problème du logement. Des institutions destinées à le résoudre furent fondées. Celles qui existaient déjà se développèrent: ce fut le cas pour les Établissements Schneider, qui parvinrent graduellement à édifier de vastes cités ouvrières au Creusot, à Montchanin, aux houillères de Decize, à Champagne-sur-Seine, à Harfleur, à Droitaumont, etc ....

Logements et jardins pour les ouvriers vers 1785

A la fin du XVIII" siècle, on s'occupait déjà de la question du logement des ouvriers à la Fonderie du Creusot. Un plan de l'époque nous a conservé la disposition de trois bâtiments, élevés à cet effet au voisinage des ateliers. L'un d'eux, constitué seulement par un rez-de-chaussée, se composait de 12 logements d'une pièce ; les deux autres, comportant un étage, comprenaient un certain nombre de logements à une et à plusieurs pièces. A proximité de ces logements, un vaste terrain était divisé en petits jardins affectés aux ouvriers.

Le Creusot - cité de la Villedieu

En 1837, MM. Schneider ne possédaient encore au Creusot qu'une centaine de logements ouvriers. Ils en firent construire de nouveaux, groupés, suivant les idées en cours à cette époque, dans de grands bâtiments communs. A mesure que les notions d'hygiène et de bien-être se répandirent, ils améliorèrent les conditions d'aménagement des constructions destinées à leur personnel et, dès 1860, ils firent construire des maisons isolées, ne contenant plus chacune que quatre logements (Bâtiments dits « des Pompiers » au Creusot.)
En 1865, ils en arrivèrent au type à logements indépendants de la cité de la Villedieu, comprenant 105 maisons avec jardins et dépendances.

Houillères de Decize - Maison ouvrière d'autrefois

De 1870 à 1875, de nouvelles cités furent édifiées : au Creusot (Cité Saint-Eugène), à Monchanin (Cité Nouvelle) et aux houillères de Decize (Cités de la Villedieu et Sainte-Eudoxie). Elles comportent toutes des maisons à locataire unique, avec jardin et dépendances.

Maison à deux logements de quatre pièces

Les plus récentes cités, aménagées depuis 1900, sont celles de Champagne-sur-Seine (Cité du Pas Rond), d'Harfleur (Hameau de Mayville), du Creusot (extension de la Cité Saint-Eugène) et de Droitaumont.

Maison à un logement de trois pièces

A côté des logements destinés aux ouvriers, les Établissements Schneider possèdent un certain nombre de maisons pour leurs employés de différents grades. En 1907, ils ont, dans cet ordre d'idées, fait construire au Creusot les pavillons de l'avenue de Saint-Sauveur. Chaque pavillon, entouré d'un jardin, contient, complètement séparés, les logements de deux familles.
En dehors des « Cités » proprement dites, les Établissements Schneider possèdent, surtout au Creusot, de nombreux logements disséminés. Actuellement, ils ont, au total, 2 427 logements, dont 1 968 avec jardin et 459 seulement sans jardin. De plus, 1 654 jardins sont loués isolément. L'ensemble des maisons et des jardins couvre une superficie de 180 hectares environ ; la valeur globale des immeubles atteint 8 130 000 francs. Malgré l'importance de ces chiffres, ils peuvent encore paraître relativement faibles par rapport au nombre actuel des membres du personnel. Si les Établissements Schneider n'ont pas eu à faire construire des cités plus étendues auprès de leurs usines, cela tient à ce qu'un très grand nombre de leurs ouvriers et de leurs employés, comme nous le verrons par ailleurs, sont devenus propriétaires de leur maison.

Le Creusot - Avenue Saint-Sauveur

Dans toutes les cités, on a exclusivement adopté des types de maisons à un seul logement et à deux ou, au plus, à quatre logements, mais toujours tout à fait indépendants. Les logements ouvriers y comprennent de deux à quatre pièces, suivant la composition des familles qui doivent les habiter. Les logements de deux pièces sont réservés aux ménages sans enfants ou à ceux n'ayant que des garçons ou des filles. Les logements de trois ou quatre pièces sont attribués aux familles plus nombreuses. Les logements de deux pièces renferment une salle et une chambre; les logements de trois pièces renferment une salle et deux chambres. La salle sert en général à la fois de cuisine et de chambre pour les parents, les deux chambres sont destinées, l'une aux garçons, la seconde aux filles. En dehors des maisons se trouvent diverses dépendances (basse-cour ou écurie à porc, cave, WC., etc.). Des arbres fruitiers sont plantés dans les jardins.
Les logements pour employés ont de quatre à six pièces principales. Si nous prenons comme exemple les chalets de l'avenue Saint-Sauveur, nous trouvons, dans un logement de six pièces: une cuisine, avec petit office et arrière-cuisine, un salon salle à manger, trois grandes chambres et une petite, et, de plus, un débarras, une cave, des W.-C., un abri dans le jardin.
Les maisons sont blanchies extérieurement tous les deux ans ; à l'intérieur, les logements sont réparés tous les six ans. En cas de décès, survenu à la suite d'une maladie suspecte, la maison est aussitôt désinfectée par les soins des Établissements Schneider et remise en état.

Le Creusot - Cité Saint-Eugène

Une surveillance d'hygiène et d'ordre général, pour la bonne tenue des maisons, est exercée par des agents spéciaux. Chaque année, il est établi, pour les logements bien tenus, un classement à la suite duquel des primes sont accordées aux locataires les plus soigneux. Ces primes consistent en remises de loyers qui atteignent de un à trois mois de location.
La plupart de ces logements sont loués très sensiblement au-dessous de leur valeur locative et une estimation modérée permet d'évaluer à près de 100 000 francs le sacrifice annuel consenti actuellement de ce chef. Au Creusot, le loyer des logements ouvriers varie de 1,25 à 10 francs par mois, suivant le nombre et la dimension des pièces, prix qui n'a pas été augmenté depuis de nombreuses années, malgré l'élévation générale de tous les loyers. Ces logements sont très recherchés : afin de les attribuer sans arbitraire aux membres les plus méritants de leur personnel, MM. Schneider ont adopté, pour toutes les demandes qu'ils reçoivent, une méthode de classement tenant compte, au moyen de divers coefficients, de la qualité et de la durée des services, des charges de famille et des diverses considérations qu'il a paru juste d'invoquer en faveur de l'ouvrier. Les facteurs les plus importants du classement sont les suivants :

  • Temps de service à l'Usine.
  • Enfants célibataires travaillant à l'Usine.
  • Enfants célibataires (garçons) travaillant ailleurs.
  • Enfants célibataires ne travaillant pas (valides).
  • Enfants infirmes.
  • Parents à la charge de l'ouvrier et habitant avec lui. Parents à la charge de l'ouvrier et n'habitant pas avec lui.
  • Ascendants de l'ouvrier ayant travaillé à l'Usine.
  • Blessures ayant diminué la capacité de travail de l'ouvrier.
  • Blessures laissant une infirmité à l'ouvrier.
  • Blessures n'ayant pas diminué la capacité de travail de l'ouvrier.
  • Travail alternatif de jour et de nuit.
  • Note du service sur la valeur professionnelle de l'ouvrier.

D'autre part, quand un ouvrier meurt en activité de service, sa veuve est tout d'abord maintenue dans son logement à titre gratuit, pendant la fin de son année de location; si la veuve a un fils célibataire, qui travaille à l'Usine et demeurant avec elle, le bail du père est transféré au fils sans nouvelle demande ni classement. Un certain nombre de veuves, ainsi que d'anciens ouvriers pensionnés ou retraités sont logés gratuitement, d'après un mode de classement avec coefficients, analogue à celui employé pour les ouvriers en service actif.
Les tableaux de classement, soit pour les locations, soit pour l'attribution gratuite des logements, sont placardés à l'Usine, où chacun peut venir en prendre connaissance et vérifier le rang qui lui a été assigné; l'attribution est faite au fur et à mesure des vacances.

En ce qui concerne les jardins isolés, ils se composent de parcelles de 1 à 6 ares, et la plupart sont loués au personnel à un taux annuel infime ; le mode d'attribution de ces jardins est le même que celui des maisons.
Dans le but d’encourager la culture et la bonne tenue de ces jardins, une visite est organisée chaque année et des prix en espèces sont décernés aux locataires des terrains les plus soignés. Les premières primes ont une valeur bien supérieure à la valeur locative des jardins. Les locataires des jardins du Creusot ont fondé un Syndicat horticole, subventionné par MM. Schneider, qui lui attribuent la jouissance d'un terrain pour ses semis et ses expériences.
Enfin les Établissements Schneider possèdent au Creusot, à proximité de la ville, une pépinière où les ouvriers peuvent trouver, à des prix très réduits, des plants d'arbres fruitiers et d'ornement, destinés à leurs jardins.
Cette œuvre des jardins, qui a pris depuis une quinzaine d'années une extension très sérieuse en France, paraît n’y être nulle part aussi ancienne qu'au Creusot, où elle existait dès la fin du XVIIIème siècle et où elle comprend aujourd'hui plus de 2 250 jardins. Or, au Congrès International de la Tuberculose de 1905 susvisé, où l'on montra l'heureuse influence de la culture horticole sur la santé ouvrière, les rapports du docteur Landouzy et du docteur Sersiron indiquèrent, pour toute la France (non compris le Creusot), un total de 6 453 jardins ouvriers, pour une contenance totale de 269 hectares.

retour au sommaire