Une charte de 1253, par laquelle Henry de Monestoy vendait à Hugues, duc de Bourgogne, tout ce qu'il possédait au village de Crosot, est le premier document connu où le nom du Creusot soit mentionné. La découverte d'un gisement houiller au Creusot, en 1502, fut le véritable point de départ de la création d'un établissement métallurgique, auquel quatre siècles plus tard, MM. Schneider devaient donner un haut degré de développement. Dès 1510, des taxes sur le charbon extrait du sol creusotin sont instituées (charte de 1510). Du XVIème au XVIIIème siècle, l'extraction de la houille ne fut poursuivie qu'aux affleurements; c'est à partir de 1769, date de la concession accordée par Louis XV à François de la Chaise, Seigneur de la Baronnie de Montcenis, que commença une exploitation rationnelle et importante.
Quatre haut fourneaux furent élevés, de nouveaux puits furent creusés pour l'extraction de la houille, transformée sur place en coke. Le minerai de fer était apporté des mines voisines de Chalencey et de la Pâture. De spacieux ateliers contenaient des fours à réverbère, des machines à feu à marteau, une fonderie, des forges et une chaudronnerie. En dehors de nombreux canons pour l'armement des batteries des côtes de l'Océan et des batteries de la Marine, la Fonderie royale livra des tuyaux, des machines à feu, et, surtout, elle alimenta en fontes françaises la fonderie de canons d'Indret, jusqu'alors tributaire de l'Angleterre. En 1786, sous les auspices de la reine Marie-Antoinette, une cristallerie, qui avait été d'abord établie à Sèvres, fut transférée au Creusot et réunie à la Fonderie royale. Cette "Manufacture des Cristaux de la Reine" fonctionna jusqu'en 1832. La création, à proximité du Creusot, du canal du Centre, ouvert à la navigation en 1793, dota la région d'une voie de communication économique et importante, qui devait favoriser la rapide extension des usines. Pendant la Révolution, la marche normale des affaires fut suspendue, la Fonderie royale du Creusot ayant été réquisitionnée et exploitée pour pour le compte de la Nation. Un arrêté du Directoire prescrivit de la remettre à ses propriétaires, et, pendant tout l'Empire, le Creusot continua de travailler pour les départements de la Guerre et de la Marine, fabriquant des canons de fonte et de bronze, des projectiles et du lest pour les navires de guerre. Parmi les autres fournitures de l'époque, nous citerons les conduites de la pompe à feu de Chaillot (1801 et 1802) et les lions en "fer coulé" de la façade de l'Institut de France (1809).
Les traités de commerce de 1860 modifient profondément les conditions économiques de l'industrie nationale. Pour lutter dans les conditions les plus favorables, MM. Schneider se décident à transformer et à compléter leur outillage suivant un plan d'ensemble. L'exposition universelle de 1867 permet d'apprécier l'importance des résultats obtenus. Les établissements couvrent, à cette époque, une superficie qui dépasse 120 hectares, dont plus de 20 hectares en bâtiments industriels. Les mines de Mazenay et de Change fournissent 300 000 tonnes de minerai de fer par an, la houillère du Creusot 250 000 tonnes de charbon. Le coke est produit dans une batterie de 160 fours. Les hauts fourneaux, au nombre de 15, produisent annuellement 130 000 tonnes de fonte. Une nouvelle forge, construite pour une production annuelle de 200 000 tonnes, contient 150 fours à puddler, 85 fours à réchauffer, 41 trains complets de laminoirs et 30 marteaux-pilons : elle fournit 110 000 tonnes de fers et de tôles. Les ateliers de constructions renferment 26 marteaux-pilons et 650 machines-outils. Le personnel comprend environ 10 000 ouvriers. En 1869, MM. Schneider acquièrent, entre le Creusot et Nevers, la concession houillère de Decize, d'une superficie de 8 000 hectares, et, près du Creusot, les concessions houillères de Montchanin et Longpendu, couvrant au total près de 2 500 hectares.
Peu de temps après la création de ces ateliers d'artillerie, MM. Schneider installent, également au Creusot, des ateliers d'électricité. En présence de la faveur croissante des
aciers moulés, qui se fabriquaient déjà avec succès aux aciéries, une fonderie
d'acier autonome est construits en 1892. Les importantes étapes, franchies par les Etablissements Schneider depuis 1836, sont encore dépassées par les développements réalisés à partir de 1897. C'est d'abord l'installation, au Havre, d'ateliers d'artillerie et l'organisation du champ de tir du Hoc, établi entre le Havre et Harfleur, pour exécuter en mer les tirs des gros matériels de bord et de côte. Au polygone du Hoc sont bientôt juxtaposés de vastes ateliers, pour le chargement des munitions, et des dépôts de projectiles. Les essais des matériels d'artillerie sur roues exigent à leur tour un champ de tir à longue portée; il est établi, en 1899, près d'Harfleur, à sept kilomètres du Havre et à deux kilomètres du Hoc, sur les terrains bordant l'estuaire de la Seine. Près de ce champ de tir est bientôt implanté un groupe d'ateliers qui, en moins de dix ans, est devenu un établissement considérable, se consacrant entièrement aux fabrications d'artillerie, matériels, munitions et artifices. Les fabrications électriques suivant une progression non moins rapide que celle de l'artillerie, il est décidé de leur affecter un établissement spécial, édifié, en 1903, à Champagne-sur-Seine, entre Moret et Fontainebleau : depuis 1904, les ateliers de Champagne ont construit des machines représentant une puissance totale de près de 800 000 kilowatts. En 1907 est commencé l'équipement d'une des concessions de minerai de fer, obtenues par MM. Schneider dans le bassin de Briey, à Droitaumont. L'extraction annuelle, qui atteint déjà 350 000 tonnes, doit être amenée graduellement à 1 200 000 tonnes; ce minerai alimente en partie les hauts-fourneaux du Creusot.
Les travaux publics et les entreprises générales deviennent aussi, depuis quelques années, une branche une branche considérable de l'activité de MM. Schneider, qui, en particulier, exécutent des travaux très importants pour les ports du Havre, de Rosario, de Belem-Para (Brésil), de Casablanca, d'Alexandrie (Egypte), pour les chantiers de Reval (Russie), etc., etc.... Enfin, l'extension de leurs affaires d'artillerie, de moteurs et de chaudières les amène, en sus de la transformation et de l'agrandissement de leurs propres ateliers, à contribuer au développement ou même à la création de sociétés filiales, sur lesquelles ils exercent un contrôle industriel, qui équivaut à un accroissement de leur propre production. A côté de ces nombreuses créations, il faut rappeler les transformations profondes et les agrandissements, effectués depuis 15 ans dans les usines du Creusot et les chantiers de Chalon-sur-Saône, dont les moyens de production, toujours maintenus en harmonie avec les besoins industriels, sont encore à l'heure actuelle [1912] en cours de remaniement complet. Pendant cette période de 15 ans, les Etablissements Schneider ont vu leur personnel s'accroître de quarante pour cent, et cela malgré l'augmentation et le perfectionnement de l'outillage qui équivaut, de son côté, à une augmentation notable du personnel ouvrier. Quant à la puissance d'outillage actuellement obtenue, nous pouvons en donner une idée par les chiffres suivants : la superficie totale des terrains possédés par MM. Schneider s'élève à 5 715 hectares, dont 470 de terrains industriels, comprenant 55 hectares de bâtiments couverts. La longueur des réseaux de voies ferrées de tous les Etablissements Schneider est de 270 kilomètres; ces voies ferrées sont desservies par 62 locomotives et 5 400 wagons. La puissance totale des machines à vapeur et à gaz est de 65 000 chevaux, celle des installations électriques de 42 000 kilowatts; les chaudières ont une surface de chauffe de 40 700 mètres carrés. Le nombre des machines outils atteint 3 900. La longueur des lignes de transport d'énergie électrique pour la force motrice et pour l'éclairage est respectivement de 230 et 280 kilomètres; 435 kilomètres de lignes téléphoniques desservent 650 postes. Ces chiffres ne s'appliquent qu'aux Etablissements Schneider [en 1912] et ne comprennent pas les filiales. (Nous donnons là les chiffres actuels, mais ils seront bientôt notablement dépassés, grâce aux nombreux développements et aux agrandissements à l'étude ou en voie d'exécution, au Creusot, au Havre, à Champagne-sur-Seine, à Paris, etc. ) |
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