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Les Etablissements Schneider

Economie sociale

L'épargne

Après un historique du Creusot de 1253 à 1912, cet ouvrage (non signé) présente les "bienfaits" apportés par les Schneider à la population du Creusot. Véritable bible du paternalisme, on ne pourra réellement apprécier son contenu qu'en faisant un rapprochement avec le livre de Jean-Baptiste DUMAY : Un fief capitaliste.

Documents et textes d'après
"Les Etablissements Schneider - Economie Sociale"
1912 - Lahure Ed.

Economie Sociale

L'EPARGNE

Certains économistes contemporains n'attribuent plus à la petite épargne les vertus pour ainsi dire souveraines que lui reconnaissaient la plupart de leurs devanciers. Pour eux, l'association de prévoyance ou la coopération peuvent seules donner au travailleur la sécurité voulue dans les heures difficiles.
Sans doute, l'ouvrier ou remployé, même s'ils ont un salaire rémunérateur, ne pourront économiser qu'une fraction restreinte de leur gain, et les intérêts du pécule amassé n'ajouteront qu'un appoint faible au budget familial.
Il n'en reste pas moins établi que la constitution d'un petit capital, en dehors des avantages immédiats et incontestables qu'elle présente pour parer aux exigences des étapes importantes de la vie, exerce, par ailleurs, une saine influence sur le plus modeste ménage. Elle développe le sens de la prévoyance, celui de la responsabilité, elle incite à la sobriété, à la prudence et donne même une certaine impression de bien-être, - de mieux-être pour employer l'expression en vogue - qui, surtout avec le caractère français, n'est pas une simple illusion. Ce rôle social de l'épargne suffirait à en recommander le développement.
Dès 1838, MM. Schneider se préoccupèrent de la question: ils encouragèrent leur personnel à faire des économies, à la fois par la perspective d'un intérêt rémunérateur et en leur évitant le risque des placements aléatoires.
A tous leurs agents ils accordèrent la faculté de faire ouvrir chez eux un « compte de dépôts de fonds et d'épargne », et l'institution ainsi créée s'est développée jusqu'à maintenant d'une manière progressive.
L'ouverture d'un compte d'épargne peut avoir lieu, soit par une simple retenue, d'un franc au minimum, sur la feuille de paye, soit au moyen d'un versement initial d'une somme de cent francs ou plus; le compte est ensuite alimenté par des versements d'au moins cent francs ou par des retenues sur les salaires ou appointements.
Tous les comptes sont arrêtés au 31 Décembre de chaque année, en principal et intérêts, et les intérêts se capitalisent l’année suivante.
Les taux d'intérêts sont actuellement échelonnés de la façon suivante:

de 1 à 500 fr.

5%

de 501 à 2 000 fr.

4%

de 2 001 à 10 000 fr.

3%

Le maximum des dépôts est, en principe, fixé à 10 000 fr. Toutefois, pour faciliter à leur personnel la recherche de nouveaux placements, les Établissements Schneider consentent à conserver, mais à titre simplement provisoire, les dépôts supérieurs à 10 000 fr.
En 1911, le montant total de ces dépôts dépassait 13 000 000 de fr., divisés en plus de 8 000 comptes. La juxtaposition de ces deux chiffres montre que le but poursuivi de favoriser surtout la prévoyance de l'ouvrier et du petit employé est bien atteint. Depuis de nombreuses années, la moyenne de chaque compte est d'environ 1 500 fr.; à l'heure actuelle, les trois quarts des comptes sont inférieurs à 2 000 fr. et il n'yen a pas un dixième qui dépasse 5 000 fr.
Le chiffre des dépôts serait certainement plus important encore si, dans bien des cas, les agents du Creusot ne transformaient, dès qu'ils le peuvent, le montant de leur compte en placements immobiliers.
L'acquisition d'un « Bien de famille », jardin ou maison, est d'ailleurs une forme plus féconde encore en heureux résultats que la constitution d'un Capital. Cette possession du sol sur lequel on vit assure un enracinement plus profond de l'idée familiale, de la continuité des traditions. Ses avantages sont tels qu'ils rallient à peu près les économistes de tous les partis, même ceux auxquels nous faisions allusion plus haut et qui, par un raisonnement assez peu logique en la circonstance, ne croient pas à la vertu d'avenir du capital épargné. Les pouvoirs publics, par les lois du 30 novembre 1894, du 12 Avril 1906, du 10 Avril 1908 et par les nouvelles mesures en discussion au Parlement, cherchent à entourer de nombreux· avantages cet accès à la propriété, que M. Millerand déclare capable d'apporter au travailleur un accroissement de liberté et de sécurité (Préface de M. A. Millerand à la brochure: Habitations à bon marché, par Louis Schmoll; Paris, Marchal et Billard. 1908, p. VI.).
Pour faciliter cette possession du foyer et encourager, sous une autre forme, l'esprit d'épargne et de prévoyance, MM. Schneider, inaugurant les premiers ce système, comme l'a indiqué M. Georges Picot (La Réforme Sociale, tome XXVII. - Rapport sur le concours pour le prix Jules Audéoud en 1893. Paris, 1894, p. 269.), ont, depuis 1845, cédé à leur personnel des terrains leur appartenant, bien au-dessous de leur valeur, et ils ont consenti d'importantes avances pour des achats de terrains et la construction de maisons.

Le Creusot - Maisons construites par les ouvriers et les employés

Toutefois, pour ne pas donner aux familles des désirs disproportionnés avec leurs perspectives budgétaires, les avances ne sont consenties, en principe, aux ouvriers ou employés que s'ils possèdent déjà au moins la moitié de la somme nécessaire à la construction projetée, y compris rachat du terrain. Si l’agent veut d'abord acheter son terrain, en attendant que l'amélioration de sa situation lui permette d'y édifier une maison, il peut obtenir une avance, égale encore à la moitié de la somme nécessaire à cette acquisition. La demande d'avance doit toujours précéder l'acquisition du terrain ou la construction. Aucun prêt ne peut être consenti pour le remboursement de sommes antérieurement dues : ces avances ont pour but de faciliter l'économie et la prévoyance et non de substituer simplement MM. Schneider à des créanciers existants.
Quelles que soient les avances faites pour l'achat du terrain et la construction de la maison, l'ouvrier devient immédiatement propriétaire du logement, bâti par lui-même, suivant ses goûts, au lieu d'avoir, comme dans d'autres combinaisons, l'espérance lointaine de devenir lentement et graduellement propriétaire d'une maison, qui lui est livrée toute bâtie.

Le Creusot - Maisons construites par les ouvriers et les employés

« Ce système, a dit M. Cheysson, a l'inappréciable avantage d'associer chaque famille à la construction de son foyer domestique. Ce n'est plus une maison banale, comme le vêtement de confection acheté au bazar, c'est une maison cc sur mesure », à la taille exacte du locataire. Elle est bien autrement précieuse à l'occupant que celle qu'on lui vend toute faite et sans sa participation au plan (Rapports du Jury International de l'Exposition Universelle de 1889 - Groupe de l'Économie sociale - Section XIV - Institutions patronales, par M. E. Cheysson, Imprimerie Nationale, Paris, 1892, p. 397). »
Du reste, pour guider dans leurs travaux les nouveaux propriétaires, les Établissements Schneider mettent à leur disposition, s'ils le désirent, et à titre gratuit, leur service d'architecture, pour la préparation des plans et des devis.
Le montant des avances consenties, pour terrains et maisons, de 1845 à 1912, s'élève à près de 5 000 000 de francs, sur lesquels il ne reste dû, au 30 Avril 1912, que 83 500 fr.
Au cours des dix dernières années, le total annuel des demandes d'avances s'est considérablement réduit, tandis que la construction des maisons possédées par le personnel se poursuit régulièrement: il semble bien y avoir là une preuve tangible de l'amélioration progressive du sort du personnel des Établissements Schneider, car étant données ses habitudes de prudence, l'augmentation des constructions implique le progrès de ses épargnes.

 

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