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Une dynastie - Réussite technique et économique - Le paternalisme en action - Aménager l'espace - Un empire industriel - Les grèves - La chute - Ce qu'il reste aujourd'hui

Les Schneider constituent une figure emblématique mais pas totalement représentative du patronat français. Ils passent pour la figure caractéristique du patronat français, voire européen, de la deuxième moitié du XIXe siècle qui constitue le moment de leur apogée. En réalité, il faut nuancer le propos. Ils se sont posés avec succès comme des patrons modèles mais ils ne représentent qu’une fraction très réduite du patronat français, celle qui est constituée par la haute bourgeoisie propriétaire ou gestionnaire des grandes entreprises textiles ou métallurgiques nées de la " première révolution industrielle ". Par leur réussite industrielle, leur fonctionnement dynastique rigoureux, la mise en œuvre dans leurs affaires de pratiques paternalistes abouties et le lien dynamique qu’ils ont su établir entre affaires et politique, ils sont effectivement une famille caractéristique de ce milieu social qui fonctionne comme une caste.



Les Schneider : une famille nouvelle à l’ascension rapide

Famille et capitaux sont indissolublement liés. Le projet dynastique, les alliances matrimoniales ont pour principal effet de renforcer la puissance de l’affaire. On peut donc parler de stratégie dynastique. Le propos des Schneider est d’augmenter progressivement le capital de la société tout en gardant le contrôle de la gestion de la société (une société en commandite par actions dont ils sont les gestionnaires et dont ils contrôlent petit à petit la plus grande partie du capital) [Voir le développement de Patrick Verley, Entreprises et entrepreneurs du XVIIIe au début du XXe siècle, p. 106-107].

Le projet dynastique

Les Schneider sortent de l’obscurité en 1836, à l’époque où ils se portent acquéreurs des établissements du Creusot alors en faillite. Adolphe et Eugène sont issus d’une famille de petits notaires et propriétaires terriens de Lorraine, mais les deux frères ont déjà de solides appuis : Adolphe est l’homme de confiance du négociant, banquier et manufacturier parisien Seillière et Eugène a été responsable successivement de deux entreprises soutenues par le capital Seillière (la filature de laine de Longaux près de Reims et les forges de Bazeines à Sedan entre 1827 et 1837).

Ils consolident leurs positions et leurs appuis par des mariages brillants. Adolphe épouse Valérie Aignan, qui est la belle-fille de Boigues, maître de forges à Fourchambault. Eugène épouse Constance Lemoine des Mares dont la famille appartient à la haute finance protestante : elle est la nièce des Neuflize et sa dot est de 100 000 F.

Ce sont d’ailleurs les capitaux de la banque Seillière et des Boigues qui sont à l’origine de la société en commandite de 2,6 Millions de F dont les deux frères sont gérants au Creusot. Il s’agit d’une structure financière familiale assez traditionnelle qui restera en vigueur très longtemps puisque la société Schneider et Compagnie est encore une société en commandite en nom collectif en 1949. A cette date, elle est transformée en société holding dans laquelle les établissements du Creusot deviennent la Société des forges et ateliers du Creusot (SFAC). En 1966 est créée une Société Anonyme.

Quand apparaît la Société Schneider et Compagnie, le Creusot est un établissement qui a connu des débuts prometteurs et bien des déboires. Deux affaires distinctes avaient fusionnées en 1786 : d’une part la Cristallerie de la Reine, implantée sur une colline avec un corps de bâtiments en U pour loger les ouvriers et deux grands fours ronds (le château de la Verrerie conserve toujours les traces de ces structures) qui a été transférée de Sèvres en 1785 ; d’autre part une Fonderie Royale, créée en 1782, à l’origine de laquelle on trouve un Anglais, Wilkinson, qui a introduit en France le procédé de fonte au coke et les machines à vapeur. On trouve là également Ignace de Wendel, d’Hayange, " Officier-Ingénieur du Roi ". La première coulée au coke date de 1785. On utilise le charbon et le fer locaux. Le tout nouveau canal du Charolais qui relie la Saône à la Loire sert à expédier la production. C’est une réussite technique, mais l’entreprise connaît de nombreuses difficultés financières dès les années 1780 et surtout pendant la période révolutionnaire. La faillite est finalement prononcée et en 1818 et la société est rachetée par l’un des créanciers, Chagot, banquier à Chalon-sur-Saône et par ailleurs détenteur de la concession des houillères de Blanzy. En 1826, la veuve de Chagot cède la majorité des parts à deux Anglais : Manby et Wilson. Une nouvelle faillite est prononcée en 1833.

De l’histoire antérieure du Creusot, les Schneider héritent de deux caractéristiques essentielles : le modèle anglais, qui reste une référence technique et sociale, et l’importance accordée à l’innovation et à la qualité de la fabrication. En effet, si aucun des Schneider n’a fait d’étude d’ingénieur, en bons capitaines d’industrie, ils ont toujours eu le souci de s’informer en suivant par exemple des cours au Conservatoire des Arts et métiers, ou en effectuant des voyages en Angleterre.

Mais, contrairement à leurs prédécesseurs, les Schneider bénéficient d’une conjoncture économique excellente : leur ascension accompagne l’industrialisation de la France. la réussite économique est fulgurante. Dès 1838 sort des ateliers du Creusot la première locomotive à vapeur fabriquée en France: la " Gironde ".

En 1845, après la mort accidentelle d’Adolphe, Eugène prend seul la direction de l’entreprise. Il l’assume jusqu’en 1875. Ce sont 30 ans d’ascension spectaculaire et de réussites économiques dans les domaines de la révolution ferroviaire, de la navigation et de la charpente métallique. Parallèlement s’effectue l’ascension politique dans le contexte du Second Empire. L’essentiel de la carrière d’Eugène se déroule à Paris et c’est pourquoi il associe assez tôt son fils Henri (1840-1898) à la gestion des affaires. Henri associera à son tour son fils Eugène (1868-1942) aux affaires. Eugène II devient cogérant à sa majorité conformément aux statuts de la Société. Au moins jusqu’en 1910, Eugène II conduit comme son père et son grand-père une carrière politique parallèlement à sa carrière de grand patron. Lui-même collectionneur de canons, il oriente de plus en plus les activités de l’entreprise vers l’armement dans la période qui précède la guerre de 1914. L’Exposition universelle de 1900 marque l’apothéose de la Compagnie avec le pavillon construit en forme de tourelle de canon. Eugène II développe le caractère international de la Compagnie en créant des installations au Maroc, en Russie et en Amérique du Sud. Les marchés des Schneider sont alors répartis dans le monde entier.

A cette génération, la famille est cruellement frappée par la mort du fils aîné, Henri-Paul, dans un combat aérien en 1918. Le second fils, Jean, meurt en 1944. C’est donc Charles, d’abord écarté par son père (il a fait carrière à la tête de la société Gaumont), qui hérite du Creusot au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un moment difficile. Il assure la reconstruction et pour une part la reconversion du site, notamment vers le nucléaire. Mais la belle époque du Creusot s’achève.

Quatre générations se sont donc succédées à la tête de l’empire familial. Cet aspect dynastique a toujours été magnifié par les Schneider eux-mêmes. La cohésion, la continuité de la famille, le respect des valeurs morales : voilà l’image qu’ils ont voulu donner. A plusieurs reprises, ils ont sollicité des artistes pour réaliser des portraits. Rien de novateur chez les peintres qu’ils ont choisi qui sont toujours les représentants très conventionnels de la peinture officielle : Paul Delaroche, Benjamin-Constant, Edouard Dubufe. A la fin du siècle, Giovanni Boldini peint Madame Eugène II en grande mondaine, mais le tableau jugé trop provocant est retouché : on y ajoute un manteau convenable sur l’épaule de l’épouse et son fils Charles à ses côtés. Le tableau le plus emblématique est probablement celui d’Aimé Morot, peintre de la bonne société, qui représente en 1909 Eugène II et ses fils. Bel exemple de portrait dynastique marquant la volonté d’affirmer la pérennité des maîtres de forges. On y reconnaît le buste du fondateur, Eugène Ier, par Franceschi, le portrait d’Henri par Morot, Henri-Paul debout, Jean et Charles. Eugène II est assis au centre, le doigt pointé sur le plan du Creusot offert par les habitants à l’occasion de son mariage. Le plan du château de la Verrerie est accroché sur le mur du fond. 0n observe une certaine discrétion dans cette image austère où l’atmosphère est solennelle et pesante, les costumes sombres, l’allure sévère et une volonté marquée d’associer le Creusot à la dynastie. Mais derrière l’image volontairement discrète, s’affirme une position sociale de premier plan.

Un réseau d’influence : l’esprit de caste

Henri Schneider marie ses cinq enfants dans la noblesse. Ce n’est plus à son stade par souci d’augmenter l’affaire qui a été assise par la stratégie matrimoniale de la génération précédente. Ces alliances relèvent pas non plus du désir d’obtenir une assises foncière comme c’est le cas, par exemple pour la patronat normand (bien étudié). C’est plus tôt un mode de vie qui attire les Schneider, avec pour Henri Schneider, une évidente nostalgie pour les temps monarchiques [Voir Patrick Verley].

Les alliances matrimoniales ont permis aux Schneider de consolider et de valoriser leur réseau de relations. Nous avons évoqué les épouses d’Adolphe (de la famille Boigues de Fourchambault) et d’Eugène (famille Neuflize) ; Henri déroge quelque peu à cette stratégie puisqu’il épouse successivement les deux filles de la maîtresse de son père, Madame Asselin. Mais il a le souci de marier ses filles dans la haute société : elles deviennent Marquise de Chaponay (à ce mariage sont témoins le duc de Chartres lui-même et le duc de Broglie), Marquise de Juigné, Marquise de Brantes, Comtesse de Ganay. Son fils Eugène, deuxième du nom (Eugène II, comme dans les familles royales) rencontre chez Madame de Clermont-Tonnerre sa future épouse, Antoinette de Rafélis de Saint-Sauveur, dont le père, ruiné, s’était suicidé mais qui appartient à une famille d’ancienne noblesse.

A la génération suivante, Jean s’allie à Françoise de Curel, descendante des de Wendel. L’une des filles épouse le duc de Brissac, Charles épouse Lilian Volpert, petite-fille de Jules Guesde, mais la grande époque des Schneider est déjà révolue... Il s’agit donc sur plus d’un siècle d’une véritable stratégie dynastique pour cette famille déjà détentrice de la fortune qui s’allie à la haute aristocratie.

Les fréquentations mondaines sont à l’image de ces alliances brillantes. Eugène Ier est un proche de l’Empereur; il a sa loge à l’Opéra (mieux située dit-on que celle des Rothschild). Henri est un familier des Orléans ce qui correspond d’ailleurs à ses choix politiques. En Sologne, dans son château de Rivaulde, il reçoit les Luynes, les d’Harcourt, les de Broglie, les la Rochefoucault, mais aussi les Hennessy, les Lebaudy, les de Wendel, les Seillière ; une photographie prise au Creusot en 1913 atteste la présence du Prince de Galles en vacances au château de la Verrerie. De grands noms de la noblesse, de la finance, de l’industrie et de la diplomatie se comptent parmi les habitués de la famille.

Mais on fait place parfois dans le cercle des intimes à des personnages très modestes : le directeur des écoles Schneider, le curé du Creusot, les hommes de confiance de l’usine sont admis dans la famille dans un souci de clientélisme et de paternalisme évidents. A cela s’ajoutent, et elles tenaient une très grande place dans l’image de la famille, les visites de charité à la Maison des Anciens, à l’Orphelinat, à l’Hôpital. Les bonnes œuvres sont en effet très nombreuses et les dames de la famille y sacrifient largement.

Les lieux de la mise en scène sont les résidences somptueuses que les Schneider se sont fait construire où aménager à chaque génération. Dans ces demeures ont travaillé les plus grands architectes du temps. Les choix architecturaux et les partis pris de décoration sont rarement novateurs, le classicisme et la tradition sont plutôt mis à l’honneur. La seule résidence commune à toutes les générations est le château de la Verrerie au Creusot. L’ancienne cristallerie de la Reine, adoptée comme résidence par les maîtres de forges dès 1860, a été rénovée en 1905-1909 par l’architecte E. Sanson dans le style du XVIIIe siècle.

Le château de Rivaulde en Sologne parfois nommé " le petit Vaux le Vicomte " a été entièrement restauré. Madame Henri en fait sa résidence de prédilection. Là, elle collectionne meubles anciens et objets d’art. La chasse y tient une grande place dans la vie sociale, dans la construction et l’entretien du réseau de relations. Le château des Saint Sauveur à Apremont, qui est la demeure ancestrale de la famille de la femme d’Eugène II, a été restauré dans un style faux gothique qui date un peu à son époque. Une petite maison à Garges, avec un jardin de 25 hectares et des roses, sert à Eugène II et à sa femme de retraite discrète. A Paris existe l’immeuble de la direction générale de la société Schneider et Compagnie au 42 rue d’Anjou. Il a été construit en 1900 dans un style XVIIIe siècle. A Paris également, chaque génération a eu son hôtel Particulier. Eugène Ier collectionne les peintres Hollandais et Flamands au 7 de la rue Boudreau. Son hôtel est vendu en 1876. Henri choisit le Faubourg Saint Honoré où il aménage au n° 137 un hôtel de 3450 m². Eugène II achète en 1901 Cours Albert Ier l’Hôtel du marquis de la Ferronays bâti sous le IInd Empire. Cet hôtel deviendra plus tard l’ambassade du Brésil. Charles s’installe en 1946 rue Octave Feuillet dans une demeure de style Louis XVI avec un jardin de 500 m².

Au total, ils vivent dans des résidences fastueuses des " Beaux Quartiers " qui témoignent de la parfaite intégration des Schneider dans la haute société. Elles sont la marque de la puissance de la famille dans tous les domaines et en particulier dans le domaine politique.

La politique comme levier des affaires

Les liens avec le monde politique sont recherchés et entretenus des deux côtés. D’une part par les Schneider, pour d’évidentes raisons économiques ; d’autre part par les gouvernements, pour des raisons politiques : ils ont souci de contrôler un secteur-clef de l’économie [voir Michel OFFERLÉ, " les Schneider en politique ", catalogue de l’exposition, p. 288-305].

Pourquoi un engagement en politique ?
Les raisons de l’engagement des Schneider en politique

C’est un moyen de soutenir directement la prospérité de l’entreprise. Le politique n’est que le prolongement de l’économique et du social. Affaires et politique sont liées à un point tel que la gestion municipale apparaît souvent comme un prolongement de la gestion de l’entreprise. L’intervention politique, en tant que député ou en tant que conseiller du prince, a pour premier objectif d’obtenir des conditions favorables au développement de l’entreprise : Henri est, sous la République, l’un des inspirateurs de la loi sur la liberté du commerce des armes en 1885 ou de la loi protectionniste de 1890.

La politique permet en outre aux Schneider de se construire une image. La tribune du Corps législatif puis de la Chambre des députés est conçue comme un lieu de défense et d’illustration de la méthode Schneider, en particulier du patronage. Lieu de célébration de la méthode utilisée, elle permet la construction du mythe.

L’engagement politique permet enfin de se constituer un puissant réseau de relations locales, nationales et internationales. Les réceptions que les Schneider organisent à leur domicile parisien ou celles d’Eugène 1er à l’Hôtel de Lassay quand il est président du Corps législatif, ainsi que sa participation à l’organisation des grandes expositions industrielles de 1849 et 1851, vont dans ce sens.

Quel engagement ?
Mandats locaux, mandats nationaux et participation aux instances économiques

A une phase d’engagement direct — Eugène puis Henri cumulent les responsabilités locales et nationales — succède une phase d’intervention dans la politique " par procuration " : Eugène II se désengage progressivement et charge des proches ou des hommes de confiance d’occuper les mandats. Dans la première période, les Schneider, relativement en phase avec le pouvoir politique, cherchent à s’assurer un pouvoir presque absolu sur le territoire creusotin. Ils ne souhaitent pas partager le pouvoir et l’engagement politique direct vise à leur assurer la maîtrise du développement de l’usine et de la ville dont ils possèdent une partie des terrains : ils cumulent les statuts de maire, de patron et de propriétaire.

Après la chute de l’Empire, avec le réveil de la démocratie, les difficultés économiques et surtout les premières grandes grèves qui témoignent du développement des revendications ouvrières et de l’influence socialiste, ce contrôle devient plus difficile. Les Schneider, dont le conservatisme s’accuse, délaissent progressivement le niveau politique national (Henri ne siège pratiquement pas à la Chambre dont il est l’élu) et préfèrent intervenir sur la politique en pratiquant le lobbying, par le biais du Comité des forges.

L’intervention dans les chambres de métier date de l’origine : Eugène est membre de la Chambre de commerce de Chalon-sur-Saône en 1843, puis, à partir de 1848, il participe à des instances nationales comme le Conseil général de l’agriculture, du commerce et des manufactures. C’est à cette époque d’ailleurs qu’il rencontre le prince-président, Louis-Napoléon Bonaparte dont il devient un fidèle. Eugène est membre du Conseil de régence de la Banque de France de 1854 à 1875, il est membre fondateur du Comité des forges. Henri est régent de la Banque de France et membre influent du Comité des forges.

Comment se faire élire ?
Les caractéristiques de l’emprise politique des Schneider sur le milieu local et les électeurs

Les Schneider ont généralement été élus facilement quand ils se présentaient : Les premiers mandats (jusqu’en 1848) sont des mandats au suffrage censitaire. La principale difficulté d’Adolphe puis d’Eugène a été de s’imposer face aux notables locaux, bien implantés, et qui étaient des orléanistes. A partir de 1848, le suffrage universel modifie un peu la pratique mais les Schneider continuent à se faire élire sans grande difficulté. Sous l’Empire, Eugène Schneider est le candidat officiel et obtient des scores sans appel (en 1863, il obtient 100% des suffrages exprimés pour 61% des inscrits). Les premières contestations sur la régularité des scrutins datent de 1869.

S’ils sont élus avec autant de facilité c’est bien sûr d’abord parce que ce sont les patrons : ils disposent d’un évident moyen de pression (ils offrent et ils retirent le travail) et d’un important moyen d’action (l’argent pour la propagande). En outre, il ne faut pas oublier qu’il n’y avait pas d’isoloir dans les bureaux de vote avant 1914. Par ailleurs, ils profitent de l’ascendant naturel que possède le patron (celui qui sait bien gérer son entreprise saura gouverner) et surtout ils bénéficient du culte de la personnalité qui est entretenu au Creusot par leur propre propagande.

Pour quelle politique ?
Le programme et la ligne politique générale des Schneider

Sous la monarchie de Juillet, Adolphe puis Eugène Schneider sont très pragmatiques et réagissent en fonction de leurs intérêts d’hommes d’affaires. Ils ne contestent pas le régime, sans être d’une fidélité absolue au gouvernement. Ils n’appartiennent à aucun groupe politique mais leurs principes de base sont " ordre, travail, progrès ", ce qui est somme toute assez dans l’air du temps.

En 1848, Eugène prend une position publique prudente. Il ne se déclare pas hostile à la République, signalant simplement qu’il n’a rien fait pour qu’elle advienne. Il ne condamne pas non plus la monarchie de Juillet. En fait, il accorde très tôt son soutien à Louis-Napoléon Bonaparte. Il est brièvement ministre entre mars et mai 1851, puis fait partie de la commission qui entoure le Président au moment du coup d’État. Il se retrouve alors dans le cercle des conseillers les plus proches de l’Empereur, ce qui lui vaut la présidence du Corps législatif à la fin de l’Empire.

Après une période délicate au début de la IIIe République, Henri Schneider se lance à nouveau dans la compétition législative en 1885 mais il est battu. Il n’est pas républicain. Sans participer aux comités bonapartistes ou monarchistes, il est élu en 1889 sur une liste boulangiste (tendance orléaniste). Par la suite il se manifeste dans les milieux orléanistes à un moment où ils sont devenus marginaux sur la scène politique.

Tout au long de leurs carrières politiques respectives, ils ont défendu les uns et les autres un libéralisme économique tempéré (ils réclament une certaine dose de protectionnisme) et l’organisation paternaliste des entreprises.

Le cas Schneider n’est pas unique. Nombreux ont été les patrons qui ont su profiter de leur position dominante et de leur influence sur le milieu où ils étaient installés pour se faire élire et marier affaires et activité politique. Parmi les grands patrons engagés dans la vie politique, le cas des de Wendel est bien connu (toute la dynastie a été député, de l’Empire à la IIIe République, en passant par le Reichstag entre 1870 et 1914, François II de Wendel continue une activité politique à un moment où les Schneider s’en retirent, il est député de 1914 à 1933 puis sénateur de 1933 à 1940). Mais, là encore, les Schneider font figure de personnalités exceptionnelles parce qu’ils atteignent les sommets du pouvoir (sous le Second Empire auquel les de Wendel n’ont pas fait complètement allégeance), et qu’il élaborent une forme élaborée du contrôle du politique.

Une dynastie - Réussite technique et économique - Le paternalisme en action - Aménager l'espace - Un empire industriel - Les grèves - La chute - Ce qu'il reste aujourd'hui

Texte disponible sur http://histoire-geographie.ac-dijon.fr/Bourgogne/DocBourg/Schneider/schneide.htm. Ce texte a été présenté au cours des journées interacadémiques de Nancy organisées par l’Inspection générale d’histoire-géographie les 17 et 18 mars 1998 sur le thème du local à l’universel.
Nos remerciements à Madame Annie COMPOS (professeur d’histoire-géographie – lycée Lamartine, Mâcon) et à Monsieur Stéphane GACON (professeur d’histoire-géographie – lycée Carnot, Dijon) auteurs de cette étude, qui ont autorisé la reproduction de ce document sur le site www.lecreusot.com.